Le sud des Landes. Chaque jour, nous savourons notre chance de vivre sur un territoire aussi merveilleux, dynamique et inspirant. Mais nous ne sommes pas les seuls à apprécier son potentiel. Aujourd’hui, la pression immobilière et touristique est devenue intense et pourrait conduire Landes Atlantique Sud à connaître les mêmes écueils que le Pays basque tout proche.
À cette croisée des chemins, ce momentum, chaque décision est primordiale. Edouard Dequeker, professeur à la chaire d’Économie urbaine de l’ESSEC Business School et landais de cœur, s’est consacré à ce passionnant sujet aux côtés de Guillaume Baudoin, directeur général des services de la communauté de communes Maremne-Adour-Côte Sud. Quelques semaines après la sortie de leur livre, il a accordé à Slowlyune interview éclairante
UN NOUVEAU REGARD SUR LES LANDES
Parisien d’origine, Edouard Dequeker passe ses vacances dans le Sud des Landes depuis l’enfance. C’est à l’occasion du confinement qu’il réalise qu’il ne connait finalement ce secteur que d’un œil touristique. Pourtant, spécialiste des métropoles mondiales et régionales, il pourrait apporter une autre analyse sur son évolution. Il échange alors avec Guillaume Baudoin, qui lui confie une mission de deux ans en lien avec le projet de territoire. Peu à peu, l’idée d’un livre co-écrit s’installe, puis se concrétise.
MIEUX COMPRENDRE LES LANDES
Malgré l’expertise de ses auteurs, Landes Atlantique Sud à l’épreuve de la sobriété reste accessible à tous. Cet ouvrage de contribution étayée a en effet pour ambition de vulgariser les problématiques abordées. Il souhaite ainsi redonner les clés aux acteurs du territoire et lutter contre le désengagement de la vie politique locale, qui reste obscure pour encore trop d’entre nous. Dans ce but, les auteurs nous offrent tout d’abord une instructive leçon d’histoire, en décrivant toutes les entités qui peu à peu ont modelé notre département, de la centralisation à la MIACA (Mission interministérielle pour l’aménagement de la côte aquitaine) en passant par l’influence de Napoléon III. On y comprend notamment comment les Landes, initialement pauvres, ont négativement vécu les actions d’un État jugé trop interventionniste dans leur développement, et les conséquences actuelles de ce “ complexe ”. On se souvient que la propriété privée en France est un sujet complexe, que la Révolution française a sacralisé sur le plan constitutionnel.
Guillaume Baudoin et Edouard Dequeker s’appuient ensuite sur un cas pratique et voisin : celui du Pays basque. Ces terres magnifiques subissent aujourd’hui de plein fouet la flambée des prix, les problèmes de logement ou encore la bétonisation ; la situation y est particulièrement tendue. Les Landes semblent emprunter le même chemin, pourtant il est encore temps de débattre, d’enclencher de profondes réformes et d’agir.
DES CHOIX DÉTERMINANTS POUR L’AVENIR
La sobriété foncière, qui figure parmi les objectifs de la commission européenne depuis 2011, semble évidemment la clé de voûte idéale de la préservation des Landes, bien qu’elle ne soit pas encouragée par la fiscalité française actuelle. Le ZAN (Zéro artificialisation nette), présent dans le cadre de la loi Climat et Résilience de 2021, s’inscrit dans ce même objectif. Bien plus que des contraintes, ces éléments sont des opportunités de repenser l’aménagement et le développement du territoire, de dépasser un modèle obsolète. La consommation d’espaces naturels et agricoles, c’est impératif, doit réduire de 50 % entre 2021 et 2031 – un défi qui semble difficile à relever pour MACS.
Aussi si le foncier, longtemps valeur-refuge pour les investisseurs et devenu ces dix dernières années un produit de spéculation rentable, a été quelque peu occulté politiquement au cours des quinze dernières années, il est pourtant fondamental aujourd’hui que les acteurs publics en reprennent le contrôle, et qu’ils renforcent l’ingénierie d’observation du foncier. Réduire l’artificialisation des sols et par conséquent l’émiettement des logements, est indispensable pour préserver à la fois l’attractivité du territoire et l’équilibre de son cadre de vie. D’autant plus que cet émiettement urbain augmente les coûts de réseaux (voirie, eau, chauffage, numérique, etc.), éloigne les habitants des services et les contraint à l’usage de la voiture alors que le pays entre probablement dans une crise énergétique structurelle. Redynamiser les centres-villes et utiliser les constructions existantes seraient des solutions favorables. Mais là encore, les collectivités publiques devront aller négocier avec des propriétaires privés, ce que beaucoup ne sont pas encore armées pour faire.
Les modèles de dissociation entre le foncier et le bâti, du type du bail réel solidaire, pourraient être généralisés et leur usage systématisé pour éviter de vendre le foncier public.
Autre exemple de recommandation : densifier les zones d’activité existantes plutôt que d’en construire de nouvelles, et promouvoir une vision stratégique cohérente, ramenant notamment le tertiaire en proximité des tissus urbains et plaçant les activités logistiques ou de BTP en proximité des nœuds autoroutiers.
Enfin, la sobriété foncière est un objectif qui ne pourra s’atteindre que par une vision supra-communale, qui doit amener à davantage de concertation avec l’ensemble des parties prenantes d’un territoire (habitants, associations, entreprises, etc.). L’ouvrage plaide à ce titre pour un renforcement de la légitimité démocratique des intercommunalités (élection au suffrage universel direct).
Parviendrons-nous à dépasser l’échelon communal, qui reste historiquement et culturellement extrêmement ancré en France ?
GUILLAUME BAUDOIN ET EDOUARD DEQUEKER
Landes Atlantique Sud à l’épreuve de la sobriété.
Croître sans s’étendre.
Préface de Pierre Froustey
Coll. « Bibliothèque des territoires »
Éditions de l’aube / Essec Business School
208 pages, 30 €. En librairie et en ligne.
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